Bio jusque dans l’emballage !

Derrière deux guides de solutions alternatives aux emballages plastiques et de valorisation de la filière biologique en Polynésie française, c’est toute une démarche auprès des acteurs, une collaboration étroite avec les parties prenantes et des propositions innovantes que nous vous présentons.

Le paradoxe du bio : entre le plastique et la nature 

Biologique et naturel vs chimique et industriel 

C’est le paradoxe des agriculteurs et éleveurs en bio confrontés à l’obligation de traçabilité de leurs produits dans les lieux de vente : les produits biologiques doivent être distinctement transportés, stockés et vendus sans subir de contamination d’autres produits non biologiques. 

Ce qui signifie que la plupart des fruits et légumes bio sont emballés …dans du plastique. Plusieurs raisons à cela : la non contamination avec les produits non biologiques d’abord. Ensuite le format de certains produits (les clients de Grandes et Moyennes Surfaces (GMS) à Tahiti sont plus enclins à prendre les produits déjà emballés que les produits en vrac). Et enfin la conservation de certains produits (légumes à feuilles) est augmentée avec l’emballage. Le plastique est finalement partout : le producteur lui trouve des qualités de conservation.

Le distributeur approuve le côté pratique du sachet et le consommateur achète sans rechigner.

Pourtant, il y a comme une dissonance pour le secteur des fruits et légumes biologiques : du plastique pour des produits plus naturels et plus écologiques, c’est étrange. 

Pour de nombreux producteurs, l’utilisation du plastique est contre nature. Certains l’ont même éliminé de leur exploitation et le retrouvent pour le conditionnement de leurs produits en GMS. 

Lever les freins au développement de la filière biologique

C’est un des objectifs de PROTEGE. Le programme est mis en œuvre par la Communauté du Pacifique et financé par l’enveloppe régionale du 11ème Fonds Européen de Développement (FED). Il est mené dans les territoires francophones du Pacifique : Wallis et Futuna, Nouvelle-Calédonie et Polynésie française. PROTEGE est l’acronyme de Projet Régional Océanien des TErritoires pour la Gestion durable des Écosystèmes. Il s’agit d’accroître la durabilité environnementale de nos territoires et d’augmenter nos réponses au changement climatique. Aussi, le programme et ses partenaires locaux, la Direction de l’Agriculture et le SPG Bio Fetia s’intéressent aux problématiques d’emballage des producteurs en agriculture biologique. Ils rédigent le cahier des charges pour la création de guides à l’attention des professionnels. Nous répondons et lançons officiellement l’étude début septembre. 

L’agriculture biologique en Polynésie 

Un rappel sur le bio en Polynésie qui est, en tant que label est récent, mais ancien en pratique. Les polynésiens cultivaient selon des principes proches de la permaculture.

L’introduction des premières structures maraichères, durant la période des essais nucléaires (1966-1996) a évidemment transformé le paysage agricole.

Ces pratiques induisent une utilisation de plus en plus répandue des produits phytosanitaires et d’engrais chimiques. 

Les précurseurs du bio ont véritablement marqué une rupture avec cette « modernité importée ». Ils ont introduit de nouvelles pratiques et retrouver les plus anciennes. La création du Système Participatif de Garantie Bio Fetia (SPG) en 2013 permet à la filière de se former. Les précurseurs sont certifiés et cela encourage les suivants à aller vers une conversion. La certification est basée sur la Norme Océanienne d’Agriculture Biologique (NOAB). Des pairs des personnes engagées autour du bio mènent l’inspection. L’énorme avantage est que ça ne coute qu’une cotisation à l’association et une contribution en tant qu’adhérent à l’association.

Les chiffres du bio en Polynésie française 

Grâce au SPG Bio Fetia et à la mobilisation des pouvoirs publics qui financent l’association, on compte 57 producteurs garantis en bio dans toute la Polynésie. Ces agriculteurs se répartissent dans toutes les productions hormis l’élevage. Ils produisent : miel, oeufs, arboriculture, maraichage et produits transformés et cultivent pas moins de 75 produits différents.

En 2021, leur production déclarée est de 335 tonnes toute production confondue. La filière se développe. La technicité augmente et quelques vocations naissent auprès de jeunes. Ces jeunes souscrivent aux principes du bio et à la préservation de leurs îles. Aujourd’hui, les circuits de distribution du bio ne sont plus cantonnés aux marchés et aux paniers. Le bio investit les rayons des grandes surfaces aux côtés des produits de l’agriculture  dite conventionnelle. Aujourd’hui : 20 petites, moyennes et grandes surfaces revendent des fruits et légumes biologiques. 

QUELQUES DONNÉES

Le Système Participatif de Garantie Bio Fetia

Créé en 2013

57 producteurs certifiés sur tous les 5 archipels

335 tonnes de production vendue

20 lieux de distribution

Faire des guides et guider comment ? 

Mieux connaitre la GMS

Nous sommes partis du point de vue des responsables de rayons et des directions de magasin. On considère ces acteurs tout-puissants. Ils édictent des règles et ne mesurent pas l’incidence de la consommation. Pas faux, mais ils sont en prise avec la réalité de leur clientèle. C’est là que nous intervenons. On s’immisce pour orienter le dialogue sur les préoccupations des producteurs bio. Et on considère également le fonctionnement en fruits et légumes bien huilé et en place du côté des GMS*.

Il faut savoir que le volume est la donnée phare. La place destinée au bio et sa mise en valeur dépendent de sa capacité à fournir. Il faut du volume, de la variété et des fréquences d’approvisionnement rapprochées toute l’année. Il faut partir de la volonté somme toute sincère d’accueillir des produits bio. Composer avec les composantes de la GMS et contenter les producteurs qui veulent de bons prix. Trouver un équilibre, pas si simple.

Mettre en place des stratégies d’information

C’est là que la stratégie repose sur un travail concerté et une exposition claire des principes de la certification Bio. Au travers d’éléments d’information sur lieu de vente (Cf Guide PLV), il s’agit d’exposer aux consommateurs les qualités des produits. Démontrer cet effort en terme de culture, de variétés sélectionnées.

Et également documenter le travail invisible du producteur pour l’environnement (arbres, haies, gestion de l’eau, aucun produit chimique).

*pour avoir oeuvré plusieurs années autour dun système de vente directe, « La ruche qui dit oui ! À Tahiti », nous avions conscience des difficultés générés par des petits systèmes.  Basée sur un réseau de consommateurs engagés, des producteurs motivés, ces initiatives fonctionnent bien sur des zones géographiques denses et plus concentriques. A Tahiti, les zones dapprovisionnement et de vente / distribution sont étendues. Les habitudes dachats sont assez traditionnelles. Laccès au paiement digital très restreint, c’est pourquoi les grandes enseignes de distribution fonctionnent très bien ici. 

Trouver les meilleures solutions

Recenser des solutions bonnes à tout point de vue 

Notre objectif : recenser les solutions qui permettent de remplacer l’emballage plastique. 

La contrainte :  comment fait-on la distinction bio -pas bio  ? Pour l’instant, plein d’astuces, mais rien de satisfaisant. Il existe l’étiquette collante, l’élastique, le film étirable, le sachet, la barquette et le film, la boite carton avec couvercle en PET (bouteilles d’eau). Et enfin, la boite en PET et les sachets sous-vide etc. Bref, c’est le règne du plastique ou des composants plastiques, mais comment faire autrement ? 

Les premières pistes : le non-recours au plastique 

On n’a qu’à tout mettre en vrac bio ? …. oui mais dans un grand supermarché, les fruits et légumes se ressemblent, et pour les personnes en caisse c’est compliqué de taper le bon code … donc c’est un manque à gagner pour les GMS …

On n’a qu’à tatouer tous les fruits qui peuvent l’être comme ça plus de besoin d’étiquettes ? … oui mais pour tatouer la même journée une aubergine, une courgette et un citron (c’est la réalité des producteurs), c’est très compliqué, coûteux  et pas très efficient. 

On n’a qu’à revenir aux emballages naturels comme avant ? … ok, ça c’est bien, mais il va falloir planter beaucoup beaucoup de bananiers, de auti, et trouver un moyen de bien conserver les produits emballés car ça compte 

Bien sûr cette dernière option est alléchante, mais demande une organisation bien rodée, ou quasi-industrielle. 

Nous avons retenu toutes ces propositions (cf GUIDE EMBALLAGE) mais elles demeurent insuffisantes pour répondre aux demandes producteurs-distributeurs-consommateurs pour tous les produits en GMS.

 

Les innovations 

Nous nous sommes tournés vers les produits du futur : les produits dit écoresponsables. Ils doivent posséder les qualités recherchées : solidité, barrière, biodégradable, transparent etc. Une équation complexe. Cependant l’innovation est en marche et certains produits présentent des avantages :  matériaux, production, coût, utilisation,  élimination.

Toutes ces solutions ont fait l’objet d’une étude produit, d’une recherche de certificat et d’un calcul coût, utilisation et transport. 

Les fiches  produits, 16 au total, présentent le ou les fournisseur, le coût de la solution, le format, l’utilisation, les caractéristiques et les certificats produits. 

Les Fiches Impact des produits sélectionnés

La fiche impact a consisté à établir une grille de lecture à un instant T des produits. Nous avons cherché à allier les trois éléments qui nous semblaient pertinents : l’analyse de l’impact économique, environnemental et social. Ces indicateurs et ces résultats peuvent participer à éclairer les choix des professionnels au regard de critères importants. Cette analyse permet de faire peser les aspects sociaux et environnementaux à côté du point de vue économique. Dans la partie économique, nous avons également pris en compte, les problèmes de gestion, d’attente et de mobilisation en trésorerie. 

Nous avons toutefois sciemment fait le choix de privilégier des produits venant d’Europe ou proche Europe en raison des fréquences  de rotation de bateau et des éléments de réassurance en terme de fiche technique. Nous avons calculé l’éloignement des sites de production quant à l’impact du transport et sans aucune équivoque, les derniers 100 km sont largement plus impactants que les 17000 km parcourus en amont.

Out of the box, penser autrement 

En marge des solutions techniques permettant d’emballer, marquer ou clairement identifié les fruits et légumes biologiques, nous avons passé en revue des systèmes, des initiatives qui permettent de s’affranchir des obligations d’emballages ou de distinction.

 Dans le top de nos préférences

  • la solution BERNY – « Berny » pour Bernard l’ermite, ce crustacé  qui emprunte les coquilles des autres -est un système de consigne ingénieux, car il retrace le parcours de la consigne (une barquette Inox) grâce à un QR code, connait son âge, son histoire… bref, On utilise Berny dans les rayons libre service de poissonnerie et boucherie/ charcuterie. La consigne coûte 2 € soit 240 xpf. Pas bête, non ? Applicable pour des fruits et légumes avec un autre contenant : sans aucun doute, « aux génies de la boîte ! »
  • La solution des casiers réfrigérés « Casiers français » qui permet à un ou plusieurs producteurs de proposer un mini magasin autonome. Les casiers renferment des produits accessibles sur commande ou sur place. Les clients paient et retirent leurs produits. Une fonctionnalité qui permet de faire de la vente directe donc de limiter les marges distributeurs. Le coût de l’opération est conséquent, 10 000 € soit 1 200 000 xpf les 10 casiers et la logistique importante mais c’est ça l’autonomie, reste à trouver le meilleur spot possible ! 
  • Le « drive tout nu », nouveau concept de drive sans emballage. C’est une nouveauté dans le monde du drive : la puissance du digital et du vrac réuni. Comment font-ils ? Ils savent se plier en quatre pour tout faire rentrer. Le beurre est …. en bocal ! Le poisson est … en bocal ! Les fruits et légumes sont quant à eux bien tranquille, au kg ou à la pièce, c’est le drive qui prépare le panier et le client passe récupérer sa commande après avoir payé en ligne. Les Drives Tout Nu se multiplient, ce sont des franchises. Le concept se structure et prend forme, bientôt partout partout des « tout nu ». 

La prise en mains des guides par les producteurs 

Tout au long de la  création des guides, nous avons associé les producteurs via les porteurs du projet PROTEGE, Direction de l’Agriculture et SPG Bio Fetia. Nous les avons interrogés sur les choix de présentation des guides, les produits retenus, les partis pris et bien entendu le graphisme réalisé par YIUNIK. Nous avons documenté les recherches ou enquêtes de terrain, nous avons remis des rapports afin de montrer la démarche de l’équipe pour la réalisation de ces guides.

Pour clôturer la démarche, nous avons présenté les guides aux producteurs, remis des échantillons de produits pour tests et donné nos préconisations. Nous voulions que les producteurs utilisent en confiance les ouvrages. Ce fut également l’occasion de réfléchir à une stratégie de valorisation de la filière. La création d’opérations de marketing ciblées est une des stratégies, la communication une autre. Et enfin, il faut nouer un dialogue sincère et profitable avec les distributeurs. 

Les précurseurs du bio sont encore, aujourd’hui, les précurseurs des emballages.

Puisqu’ils veulent faire autrement : bannir le plastique, chercher des solutions, mettre en avant leurs produits car leur savoir faire est grand et leur contribution pour nos îles immense. Aux consommateurs d’accepter de nouvelles solutions. Et de montrer leur engagement auprès de la filière : ce soutien est primordial.

Mauruuru à tous les acteurs engagés dans cette transition environnementale, sociale et économique impérative pour nous adapter aux défis qui sont là devant nous.

Et vous, comment imaginez-vous les changements à faire dans nos habitudes de consommation ? A quoi êtes-vous prêt.e ?

Retrouvez les guides sur les sites Direction de l’Agriculture PROTEGE SPG Bio Fetia

Graphisme YIUNIK

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.